Le ravissant lavoir, situé au coeur du bourg de Garchy, en contre-bas du pont, attire l'oeil du visiteur. Ses plans furent dressés en 1888 par Mr Meunier, architecte à Pouilly, mais sa construction ne vit le jour qu'en 1893; pour cela le Conseil Municipal vota la somme de 2 300 francs .

Le lavoir fut édifié à l'aval immédiat du pont. Il est alimenté par un barrage de retenue des eaux  établi dans le lit du ruisseau d'Asvins ( autrefois appelé "rivière de montclavin").

Sa construction répond bien au descriptif de 1888:

"Ce lavoir sera établi parallèllement au cours d'eau et présentera une longueur de 24 mètres divisée en 5 travées de chacune 4m 48 chacune de largeur séparées par 4 poteaux soutenant la toiture. L'espace occupé par une laveuse variant de 0m70 à 0m80, il en résulte que 30 laveuses pourront y prendre place en même temps"

 

"Entre les pierres à laver et le mur faisant façade existera un passage de 2m de largeur permettant à chaque laveuse de pouvoir librement circuler sans déranger les autres laveuses déjà placées.

 

"Ce passage sera incliné de manière que l'eau provenant du linge mouillé vienne à une rigole établie le lond du mur  et dirigée ensuite à la rivière à chacune des extrémités du lavoir.

 

"La couverture sera faite en tuile formant un seul long pan reposant sur une sablière de façon à  abriter les laveuses du soleil et de la pluie"

 

La carrière voisine de Champcelée (Suilly la Tour) a fourni les "pierres à laver",  pierre dure qui devait resister aux vaillants et rythmés coups de battoirs ("battouée") des ménagères.

La pierre plus tendre, provenant de la carrière de notre hameau de Malvaux, servit à la maçonnerie.

Les tuiles plates, posées" sur lattage en coeur de chêne", devaient être prises aux Tuileries des Taules ou de Chamery (Chateauneuf Val de Bargis) réputées dans la région pour la qualité de leurs fabrications.

"Quant au dallage "sur bain de mortier hydraulique" qui longeait les pierres à laver et sur lequel prenaient place les laveuses , il fut constitué de "vieilles dalles provenant de l'église"

L'existence du lavoir fut remis en cause dès le lendemain de sa construction...

"L'ouvrage provoqua en effet des plaintes de la part des propriétaires du moulin de Montclavain situé en aval sous prétexte qu'il causait un préjudice à leur usine"

(Le moulin de Montclavin a cessé depuis longtemps toute activité)

 Deux enquêtes des Ponts et Chaussées en 1894  et 1895, montrèrent que ces réclamations n'étaient pas fondées. Le Conseil Municipal decida de maintenir le lavoir et le barrage en l'état, conformément à la demande de "184 chefs de ménage", les seuls propriétaires du moulin, soit 2 personnes, s'y opposant.

Suite à cette querelle, un arrêté prefectoral du 2 mai 1895, toujours en vigueur, fixait le réglement concernant "l'usage de la prise d'eau que la commune de Garchy est autorisée à pratiquer dans le ruisseau de Monclavin pour l'alimentation d'un lavoir public"

 

       D'après les recherches de monsieur C Gardette

 

                  

                            De nos jours, il est à noter que la dénomination " ruisseau de Montclavin" n'est pas très usitée: en effet tous les  Garchisois natifs du Pays nomment le ruisseau "La Riotte" ( à partir de la pelle du lavoir jusqu'à Montclavin), on pêche à la Riotte, on se promène au bord de la Riotte etc...

 

Dans les années 1950-1960, le lavoir était encore très utilisé par les femmes du bourg ; Les lundi et mardi , toute la journée,  un défilé de brouettes (bérouettes) lourdement chargées de lessiveuses en zinc avec le "cabasson" par dessus, descendaient la "côte de Donzy et la Côte de La Charité". La charge était lourde avec ce volume important  plus ou moins stable... il fallait maintenir avec de la poigne les deux bras de la brouette, et pour des mains féminines,bien qu'habituées aux dures tâches , il n'était pas toujours facile de garder l'équilibre.

A ce sujet , il me revient en mémoire des expressions que seuls les "jeunes " de ce temps ont pu entendre:

" ça branle! tin bon la ridelle Marie!!"

Les jeunes aidaient souvent les plus âgées dans ces périlleux trajets avant qu"une catastrophe n'arrive...

Souvent les "copines " de lessive se retrouvaient ensemble à la "bonne heure" (il fallait éviter les horaires pendant lesquels les vaches venaient s'abreuver car l'eau était souillée) pour partager les places souvent "reservées". Ainsi les "pièces de linge"étaient savonnées souvent sur place; cela sentait bon le savon de Marseille..le rinçage était une tâche pénible surtout lorsqu'il fallait lancer les draps suffisamment loin dans l'eau du lavoir mais pas trop car on risquait de verdir le linge si on approchait trop près de l'autre rive. Et bien sûr les conversations allaient bon train et les nouvelles étaient colportées comme il se doit . Il n'y avait pas encore beaucoup de télévision ni de téléphone fixe à cette époque....Faire la conversation au lavoir était bien souvent le seul lien social local féminin de la semaine, car les autres jours, les travaux ménagers et autres réservés aux femmes ne manquaient pas , et les robots ménagers n'avaient pas encore facilité le travail féminin..

Ce travail au lavoir était surtout pénible en hiver, imaginez vous lorsqu'il fallait casser la glace pour rincer le linge...

Les femmes  "remontaient" avec les mains violettes et attrapaient des angelures.  Quel soulagement devons nous au lave-linge actuellement!!

Ainsi allaient au lavoir, la Buchette , l'Adrienne, la Figeate, la Camille, la mée Annette, la Ninie et quantité de Marie...

                                                                        M.C.P

Vers 1990, le bassin devant le lavoir a été nettoyé pour enlever la vase, les branches etc.. qui s'étaient accumulées au fond de l'eau.

Une agréable surprise vint récompenser les bénévoles:

par leur nettoyage efficace, l'eau claire laissa apparaître le fond du bassin constitué de grandes dalles de pierre bien alignées et bien travaillées.

Ces dalles viennent probablement de l'ancien pavement de l'église, tout comme celles sur lesquelles les lavandières posaient leur cabasson.

                                     D'après monsieur Clément Morlat.

Dans les campagnes il n'y a pas toujours eu de lavoirs; beaucoup de ces édifices ruraux ont été construits au XIXe siècle

Alors avant les lavoirs,où nos triaïeules lavaient-elles leur linge?et avec quels instruments?

LA "GRANDE BUEE"

  1.    Le coulage (ou échaudage)
  • De la marmite au cuvier, on puisait l' eau avec un coule-lessive (jarre en terre à ance, sceau en bois à ance) ou avec une sorte de grosse louche à long manche de bois appelé"pucheux". Ce travail  du coulage était long, fatigant et dangereux car l'on pouvait se brûler.

La première coulée se faisait à l'eau chaude mais non bouillante pour ne pas tacher le linge,car l'eau bouillante fait cuire la saleté. L'eau chaude traversait donc lentement le lit de cendre, passait à travers le "cendrier"(servant de filtre), nettoyait les couches de linge, arrivait à la goulotte, et finalement tombait directement dans la marmite où elle était réchauffée de plus en plus fort à chaque opération  jusqu'à obtenir une eau de lessive bouillante. Il fallait 60 litres d'eau dans un cuvier moyen pour recouvrir tout le tas de linge.Le transfert d'eau continuait des heures durant,jour et nuit pour les grosses lessives.

  • Cette eau de lessive s'appelait le "lessi" dans notre région et "l'chu" dans le Morvan. ( de l'ancien verbe choir?) 
  • La macération des cendres de bois (végétales) dans l'eau bouillante, produit la dissolution du carbonate de potasse et agissait  comme nos lessives actuelles. Pour obtenir un blanchissage plus intense, on ajoutait à l'eau une décoction d'orties.

Le coulage effectué avec un "lessi" de plus en plus chaud, pouvait durer un ou deux jours suivant l'avis de la maîtresse de maison qui décidait de l'état de propreté du linge.

Le soir venu, si le travail du coulage n'était pas terminé, la lavandière couvrait le cuvier avec un sac de jute, une couverture, ou un couvercle dont la structure en noisetier était tapissée avec de la paille de seigle. Tout ceci afin de conserver  au maximum la chaleur du cuvier jusqu'au lendemain.

La lessive a été de tout temps le travail des femmes (laveuses, lavandières, blanchisseuses) Ce travail ou plutôt cette corvée était autrefois long, très pénible et malsain.

Outre l'action de laver le linge à la main, le mot lessive désigne aussi l'eau de lavage et le linge lui-même. Le mot linge vient du latin lineus: lin.

 

Du XVIIe jusqu'à la fin du XIXe siècle et même jusqu'en 1914, dans certaines régions françaises, le gros linge n'était lavé que deux fois par an: au printemps,  avant les Rameaux et à l'automne,  vers la Toussaint. C'était ce que l'on appelait "faire la grande buée".

C'était le branle-bas de combat dans toute la maisonnée, et toutes les femmes avaient leur rôle dans ce travail, de la maîtresse de maison à la plus humble des servantes en passant par les lavandières de métier; et quel dur métier!!

 

Cette grande buée se déroulait sur trois ou quatre jours voir plus suivant la quantité de linge à laver. On pouvait compter huit ou dix douzaines de draps (de gros draps souvent tissés à la maison ou chez le tisserand du village ( "toile de ménage" ) des douzaines de torchons, de chemises, de biaudes. La richesse du maître des lieux se comptait au nombre de paires de draps de lit entreposées dans les grandes et lourdes armoires.

La technique de la grande buée est intéressante car elle dépasse l'imagination des femmes de notre XXIe siécle.

En ces siècles antérieurs, les vêtements et le linge de maison étaient le plus souvent en lin, en chanvre et en majorité de couleur blanche ou bis.

On triait donc le gros linge et le linge plus fin; ce dernier lui- même étant retrié en fonction de sa finesse et de son degré de salissure, car l'installation dans la cuve ne se faisait pas n'importe comment ( comme on va le voir plus loin )

 

Les TROIS grandes OPERATIONS de LABUEE sont:

     Le TREMPAGE: (ou échange ou échangeage)

      il correspondait à notre actuel pré-lavage.

Dans un baquet en bois, à la maison, à la fontaine, au bord de la rivière, de l'étang, de la mare,on mettait tremper le linge à l'eau froide.Ainsi, on le débarrassait partiellement des poussières, des boues( peu adhérentes et facilement solubles).On pratique ainsi, car si on utilise l'eau bouillante pour décrasser, les matières coagulent et forment des taches.

Les saletés, les plus récalcitrantes (sanies) étaient frottées à la brosse sur une planche à laver; ainsi sommairement décrassé, le linge était rapidement rincé puis essoré (tordu)

 

   LE LESSIVAGE: qui s'effectuait en 2 opérations :              l l'encuvage: dans un cuvier ( ou"cuviau") de bois

 

Le grand cuvier en bois de chêne (cerclé de douelles comme nos tonneaux) pouvait mesurer 1m20 à 2m de diamètre ;sa hauteur était d'environ 50cm minimum. Un grand cuvier pouvait contenir 400 litres d'eau; il pouvait être  propriété de la maison,de la lavandière professionnelle ou loué chez le tonnelier du village.

Il fallait le remplir d'eau environ un mois avant la buée afin de faire gonfler le bois et rendre ainsi le cuvier étanche; on le plaçait sur un trépied de bois.

Dand le fond du cuvier il y avait un trou de vidange (appelé pissette, pisserotte) On bouchait ce trou avec une poignée de glui recourbé (longue paille de seigle) que l'on tordait avant de l'introduire avec force dans le trou de vidange.

Ce bouchon dépassait d'une dizaine de centimètres et servait de filtre pour le jus de lessive qui s'écoulait goutte à goutte sous le trépied dans un bac de récupération appelé tinotte ou jarle. De ce bac on puisait le jus de lessive pour le réchauffer constamment dans la marmite accrochée jadis à la crémaillère.

Plus près de nous (moitié XIXe ) une goulotte (prenant naissance au bas du cuvier) véhiculait le jus de lessive directement du cuvier à une chaudière en fonte chauffée au bois. (cette chaudière servait aussi à la cuisson pour la nourriture des animaux).

 

Comment disposait-on le linge dans le cuvier?

Au fond du cuvier, on disposait des branchages pour isoler le linge de la goulotte et faciliter ainsi l'écoulement du jus de lessive.

Sur les branchages, on tapissait le fond et les côtés du cuvier avec un vieux drap de chanvre et on laissait dépasser ce drap sur les pourtours extérieurs du cuvier. Ce drap s'appelait le charrier ou le" cendrier" nous verrons pourquoi plus loin.

Dans le cendrier on déposait les draps de lit (souvent brodés aux initiales de la mariée pour les familes aisés) appelés "linceux", puis le linge de corps ainsi que les vêtements (chemises,camisoles, bonnets de nuit), les vêtements de travail , les blouses (biaudes) les nappes, les serviettes, les torchons etc... le tout bien tassé, en prenant soin de laisser une marge d'une dizaine de centimètres par rapport à la hauteur du cuvier.

Entre chaque couche de linge, on disposait des racines de différentes plantes odoriférantes (iris,lavande) ou (thym,laurier) pour parfumer l'ensemble. On pouvait également ajouter des rhizomes de saponaire(saponaria officinalis) qui contiennent des saponines (substitut du savon) qui font mousser l'eau. Cette plante est aussi appelée "herbe à savon ou savon du fossé"   

On rabattait les bords du gros drap de chanvre (cendrier) sur tout le linge; puis on disposait sur toute la surface une quinzaine de centimètres de cendre de bois; cette couche s'appelait la "charrée".

La charrée était faite avec de la cendre tamisée, provenant de préférence d'arbres fruitiers,mais aussi de frênes, de charmes, de peupliers, de sapins.La cendre la plus réputée était la cendre de paille de sarrasin. Les cendres de bois dur étant  réputées pour tacher le linge.   

 

  

RINÇAGE et BATTAGE du linge :

Lorsque la maîtresse de maison le décidait, on arrêtait le coulage: le cendrier était enlevé du dessus du cuvier et la cendre lessivée était répandue dans le jardin en guise d'engrais;ainsi rien n'était gaspillé.

Le linge était retiré du cuvier avec de grosses pinces de bois ou un fort bâton et mis à égoutter sur des tréteaux. Les lavandières déposaient ce linge mouillé en tas sur une brouette, dans des paniers d'osier, ou dans des hottes. On allait alors au bord de la rivière, de la mare, ou de l'étang pour rincer à grande eau les pièces de linge.

La lavandière était à genoux dans une grande caisse en bois appelée chez nous "cabasson" ou "carrosse" en bourgogne. Le fond du cabasson était tapissé d'un lit de paille pour améliorer le confort de la lavandière. Devant le cabasson on installait la selle (grande planche de bois souvent strié) sur laquelle la laveuse pouvait une dernière fois frotter à la main ou brosser une tache récalcitrante. Après avoir tendu à bout de bras le linge dans l'eau , la lavandière agitait violemment le linge dans l'eau, le ramenait sur sa selle, et, avec le battoir frappait énergiquement  ce linge pour le débarasser de son eau de lessive - -ceci plusieurs fois de suite-- pour finalement l'essorer en le tordant. 

Pour les grandes pièces de linge comme les draps , les lavandières se mettaient sur la berge, et chacune aux extrémités, elles tordaient le drap au maximum.

Nous pouvons donc constater que toutes ces longues  étapes de la buée étaient très physiques et contraignantes.

 

Il était interdit de faire la buée durant certaines périodes de l'année: ainsi pendant la Semaine Sainte, durant le mois de mai (mois de Marie) durant les 3 jours des Rogations, ainsi qu'entre le 15 août  et le 15 septembre (entre les 2 Bonnes Dames).

 

 

 

Pour clore ce chapitre relatif au lavoir et à la lessive du passé,je terminerai par une recette trouvée dans le cahier de ma mère à la rubrique "recettes économiques" datées de 1941; et oui les restrictions de la dernière guerre sont aussi passées par là...

                              Recette de savon:

          2 litres et demi d'eau

          200 grammes de résine

          200 grammes de soude caustique

          1 kilogramme de graisse pure

    Faire bouillir l'eau, y mettre la graisse et la résine

    Lorsque le tout est bien fondu, retirer la marmite du feu.

    Ajouter la soude caustique graduellement tout en remuant avec 

    un bâton.

    Puis faire cuire pendant 20 minutes sans cesser de remuer.

    Verser dans un moule.

 

   Martine Collin- Pincin